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Cooper Black, beauté noire

Jean-Baptiste Chouvenc

Hommage au… Cooper Black (1/2)

En 2022, nous fêtions dignement les 100 ans de la naissance du Cooper Black, typographie luxueuse et beauté noire s’il en est. L’occasion de rendre hommage à ce caractère culte, à la fois jazzy, arty, indécent, souriant, classe et populaire. Rien que ça.

Depuis des dizaines d'années, on ne peut fermer les yeux sur l’extraordinaire popularité dont jouit une typographie privilégiée : le Cooper Black. Sa popularité, effrontément galvaudée et non dénoncée, intrigue bien plus. Son heureux patriarche est Oswald Bruce Cooper ; heureux, oui, car il ne se doutait sans doute pas, en lui donnant le monde dans la première moitié du XXᵉ siècle, de la célébrité et de la longévité dont son enfant bénéficierait.

 

Le Cooper Black, formellement, est surprenant : police forte, sa graisse est équitablement répartie, les contrastes dans l’alternance de ses pleins et de ses déliés sont d’un équilibre juste, et son caractère extra bold justifie ce qualificatif de « black ». La police est d’un noir profond, pur, un noir que l’on aimerait voir imprimé sur presse typographique. Faisant montre d’une souplesse et d’une douceur, et tout à la fois d’une fermeté, elle ne peut que nous frapper, nous impressionner et, selon son utilisation, nous séduire. Son créateur, qui redoutait « un effet lassant par la répétition de ces mêmes courbes », réussit la prouesse de créer un caractère à empattement qui, pourtant, semble en être totalement dénué. Ce sont ces mêmes petites entailles, à la base et au sommet des lettres, qui posent les lettres sur une page. Car l’ensemble, dodu comme le serait n’importe quel homme bien charpenté quoique peu initié aux plaisirs des entraînements cardio-vasculaires, ne roule pas. Aucune agressivité dans les lettres grâce à la robustesse des jambages et aux panses généreuses.

Cooper Black

 

En bref, une police de caractères parfaite « pour les imprimeurs qui voient loin et dont les clients ne voient pas plus loin que le bout de leur nez ». C’est son créateur qui le dit.

Cooper Black est né aux États-Unis en 1922. À la recherche d’une typographie qu’elle pourrait vendre aux annonceurs, la fonderie Barnhart Brothers & Spindler prit commande auprès d’Oswald Bruce Cooper. 1922, soit trois ans après qu’a été ratifié le 18ᵉ amendement de la Constitution, responsable de l’établissement de la prohibition. Pourtant, on n’imaginerait guère choisir cette typographie pour illustrer cette période. Serait-elle un mauvais choix pour la couverture d’un livre intitulé Alcool prohibé, permis de tuer, All you need is Al (où l’on découvrirait une seconde astuce du titre à l’intérieur, Al désignant à la fois Al Capone et Alcohol) ? Sans doute pas. C’est une époque qui fascine, fait rêver, pleine de paillettes, de jazz et de héros aussi attachants et perdus que tous les détectives incarnés à l’écran par Humphrey Bogart en son temps. Période fortement idéalisée, dans notre imaginaire, elle fut marquée par l’ascension de personnalités fermes, implacables, qui laissèrent beaucoup de sang dans leur sillage. Le Cooper Black, lui aussi, est dominateur : il sait s’imposer, faire oublier les polices qui oseraient le côtoyer. Mais sa rondeur, sa bonhomie, son sourire même (vous ne trouvez pas les deux « o » qui se côtoient dans le mot Cooper rieur et malicieux ?), nous font oublier son caractère autoritaire, tout comme on oublie quel criminel était Al Capone lorsque l’on se retrouve face à une photo de lui, tout sourire, son chapeau impeccable bien vissé sur ses deux oreilles. Nul doute qu’Al Capone, s’il était une typographie, serait Cooper Black. Le Cooper Black n’effraye personne ; il devrait.

 

Le Cooper Black est une typographie efficace, sans concession, qui sait ce qu’elle veut. Largement copiée, jamais égalée, elle s’est affirmée par des hommages qui ont su mettre en avant sa force de caractère. Pour Simon Garfield, cela ne fait aucun doute : « La meilleur police Cooper Black, selon les connaisseurs, est ATF Cooper Hilite, dont l’aspect tridimensionnel et “humide” est le fruit d’une ligne blanche ajoutée à l’intérieur des caractères. C’est l’équivalent des rayures peintes sur le côté d’une voiture pour donner l’impression qu’elle va plus vite : chaque lettre a l’air gonflé aux stéroïdes d’un conduit interne prêt à éclater. »

Hélas, tout n’est pas beau avec le Cooper Black. Du moins en petit corps. À l’image des plus majestueux monuments, elle prend tout son sens en grand, très grand. Dans un corps faible, de type diamant ou nompareille, elle se resserre, se tasse, et prend la forme de pneus dangereusement surgonflés. Elle paraît boudinée presque. L’illustre exemple est celui de la pochette du disque Pet Sounds. Si le titre de l’album, aux côtés de « Beach Boys », roule des mécaniques avec une fierté pimpante, les noms de chansons, eux, sont à l’étroit les uns à la suite des autres. On entre alors dans le domaine du lisible et du déchiffrable, le Cooper Black penchant clairement du côté de ce dernier, en bas de casse, dans un corps faible. La marque The Kooples l’a très bien compris, imposant son logo d’un blanc éclatant, beaucoup plus lisible dans une composition resserrée.

 

Avec ses qualités et ses défauts, la popularité du Cooper Black ne s’est jamais trouvée démentie. Et celle-ci est évidemment accompagnée de tous les excès et abus dans son utilisation : combien de boulangeries, de magasins de téléphonie bon marché, de pizzerias et d’autres épiceries l’adoptent pour égayer leur devanture ? 

Curieusement, et encore une fois contrairement à d’autres polices contemporaines, Cooper Black n’a pas pâti de sa surexposition et de sa surreprésentation dans la cité. Son honneur et sa réputation ne s’en sont pas trouvées entachées. Au contraire, elle reste une typographie terriblement hype : c’est la marque de vêtements The Kooples en 2008 qui l'a d'abord adopé pour son logo; c’est le label Nonesuch Records qui la choisit pour réaliser l’artwork intégralement typographique de l’album Brothers, des Black Keys, en 2010 ; c’est encore Actes Sud, toujours soucieux de préserver une ligne éditoriale et graphique controversée, qui la juge séduisante en couverture de livre (voir Tous les diamants du ciel, de Claro, par exemple, en 2012) ; c’est easyJet qui la place au centre de son identité visuelle, jusque sur la carlingue de ses avions (« Notre identité visuelle est un élément essentiel de la licence easyJet, elle est gravée dans le marbre ! Elle est définie comme : a) des lettres blanches sur fond orange […], et b) en police Cooper Black (ni gras, ni italique, ni souligné), le mot “easy” en bas de casse… ») ; c’est la marque de chaussure Kickers, purement et simplement ; c’est la revue L’Éléphant qui l’utilise pour leur logotype, la trompe d’un pachyderme grisant s’y enroulant amoureusement ; c’est, encore une fois, la pochette du cultissime album Pet Sounds des Beach Boys, paru chez Capitol Records. Culte, donc, trop peut-être ?
 


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Article initialement paru dans le premier numéro de la revue Tind.

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