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Cooper Black, culte et protéiforme

Jean-Baptiste Chouvenc

Hommage au… Cooper Black (2/2)

Quel est le secret de cette police iconique qui ne vieillit pas ? Retour sur une mécanique typographique bien huilée.

Pourquoi la popularité du Cooper Black n’entrave-t-elle pas son accession aux strates les plus branchées de notre société, comme c’est toujours le cas habituellement ? 

Tentons de répondre à cette question. Personne n’est capable de voir le véritable pouvoir et de cerner la juste personnalité du Cooper Black. Personne, car le Cooper Black change d’apparence à son gré et selon son interlocuteur. Cette police est protéiforme. Aux origines, elle est idéale pour écrire le mot « jazz », la musique du petit peuple, des Noirs sans le sou et des prolétaires saoulés par les machines le jour et par l’alcool le soir venu. Ce même jazz qui a été récupéré à son profit par les rupins qui, pour leurs soirées décadentes et démesurées, ont découvert que l’alliance du be-bop et du champagne produisait le meilleur des cocktails pour faire tourner les têtes. Et, alors que s’opérait ce glissement fondamental, alors que cette pratique populaire, transgressive et essentiellement noire commençait à perdre son sens et sa valeur première en devenant une pratique blanche et branchée, Cooper, lui, ne subissait pas les récriminations qui frappaient le jazz. On s’indigna que cette musique terriblement vraie, que cette musique de l’âme et du cœur soit détournée par une élite qui ne la comprenait pas plus qu’elle ne la méritait. Et l’on ne s’aperçut pas que, dans le même temps, le Cooper Black tricotait un autre motif sur le revers de sa veste.

 

 

Le Cooper Black a développé depuis cette époque un pouvoir de transformiste unique. Il sait se faire oublier aux yeux de qui le reconnaîtra en franchissant le pas de porte des Kooples. Il restera l’indéfectible ami d’un nostalgique de Duke Ellington, tout en faisant un hommage ronronnant à la transe des années 1970, à ses lampes à lave et ses pantalons à patte d’eph’. Il sourira dans le même temps au réprouvé de la société et au preppy de Cambridge , car tous deux y verront une image qu’ils apprécient, une image différente selon ce qu’ils sont ; tandis que l’un s’émouvra du recto, l’autre contemplera son reflet dans le verso, et personne ne verra l’autre versant de la pièce, personne ne s’interrogera même sur la possibilité que cette pièce ait un côté pile et un côté face. Le Cooper Black a plus que réussi sa transition : il a abandonné les hobos pour servir des petits fours au caviar sans en tirer aucune rancune, et sans tirer de trait sur son passé loqueteux, il a réussi à se faire accepter des rupins.

 

 

Une typographie véhicule une idéologie : être conscient de l’idéologie portée par une typographie, c’est commencer à être capable de prendre parti pour une typographie ou une autre. Mais quelle idéologie le Cooper Black véhicule-t-il exactement ? Celle que vous souhaiterez : proche du peuple, des élites, des artistes, des couturiers, des artisans, des ouvriers spécialisés, etc. Ce caractère est proche de tout le monde, car il nous présente systématiquement son flanc qui le met le plus à son avantage et flatte ainsi à l’envi le côté de notre personnalité que l’on souhaite voir mis en lumière.

Prenez ceci comme un avertissement. Oui, le Cooper Black est une typographie terriblement belle. Sans doute pas suffisamment pour sauver le monde, mais assez pour leurrer quelques esprits volontaires et faibles, qui croiront facilement y voir un avatar du Sauveur. Nous recommandons la prudence dès que vous verrez une enseigne en faisant étalage en vitrine, ou lorsque vous aurez à choisir entre plusieurs typographies, parmi lesquelles le Cooper Black. Si ce choix vous semble aussi facile qu’évident, c’est qu’il n’est probablement pas le bon. S’il vous semble pertinent, réfléchissez-y une nouvelle fois avant de snober un Helvetica, un Futura, ou toute autre typographie indiquée et efficace qui vous plaira, et dont l’idéologie véhiculée ne vous heurtera pas. Réfléchissez-y d’autant mieux qu’il est très délicat d’allier harmonieusement le Cooper Black à d’autres polices de caractères. Il se suffit à lui-même. Et c’est déjà beaucoup.

 

Article initialement paru dans le premier numéro de la revue Tind.

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